A Portos et Phil

Salut à vous,

Ca démarre sur les chapeaux de roues!!!!ouahh, mais je vais tenir le rythme moi!!!! En tous les cas, heureux de voir , David, que tu es en forme, finalement , avec ce besoin de t’exprimer et d’agir…je suis trop content!!!

Pour répondre à vos deux lettres, ça attendra un peu…journée trop remplie aujourd’hui, et je dois retrouver ma petite famille, dont ma fille qui a besoin de son papa en ce moment, même si elle est plutôt emmerd…., une vrai ado méprisante envers ses parents, qui fait la gueule, la totale quoi, même si elle est quand même plutôt sympa, et ne casse pas tout à la maison…donc , David, prends ton « mal » en patience: ce n’est qu’un début, et les ados, c’est pas du gâteau….(je sais que pour ta fille, le contexte est différent, mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés de cette période d’ado…)

Je vous embrasse

Arthur

PS: j’ai vraiment des problèmes avec wordpress pour publier, mais apparemment ça devrait marcher maintenant

A toi David

Paris le 4 mai 2011

Bonjour David et quelle merveilleuse idée !! Si il y a bien deux personnes avec qui j’aurais pu espérer me lancer dans cette aventure c’est bien vous deux.

Merci pour ta lettre, je l’ai lue, relue et en allant chez le kiné je réfléchissais à tout cela.

David, ne laisse rien ni personne remettre en cause ton rôle de Papa. Papa tu l’as été (et très présent) et Papa tu resteras, toujours aimant et bienveillant. Par contre ce qui est évident c’est que nous nous devons aussi de penser à nous, aux années qui sont devant nous et à la meilleur façon de les vivre. Tu as beaucoup donné à tes enfants ces dernières années, omniprésent, papa et maman  à la fois, tu as essayé de tout compenser, de leur rendre les choses plus légères, voir d’alléger une certaine culpabilité. Mais la soudainement tu es un peu fatigué, tu as aussi envie de penser  un peu à toi et c’est normal même plutôt bon signe. Aucune culpabilité à avoir, ta fille ressent le besoin de s’éloigner ? De prendre du recul ? C’est dur, on prend cela en pleine tronche mais dis toi que c’est peut être une bonne chose et que c’est plutôt bon pour l’avenir. Sois et reste confiant, crois en toi et en ce que tu fais.

Pendant 16 ans j’ai mis une partie de ma vie entre parenthèses, je me suis interdit certaines choses. Avec deux enfants hyperactifs et tout ce que cela peut supposer de rendez vous psy, de convocations aux écoles, de crises à la maison,  de gestes ou de paroles d’une violence qui ne peut que blesser un Papa et laisser des traces.  Un enfant « abusé » que je n’ai pas su protéger et je m’en voudrais toujours de n’avoir pas vu, pas su empêcher qu’on le salisse.   Tout comme toi, je n ai pas eu un Papa exemplaire ou très présent et je me devais d’être l’inverse de lui, d’être un papa parfait. Et c’est peut être la que se trouve la clef : La perfection  n’existe pas, nous faisons tous des erreurs et nous ne sommes pas la pour compenser les « fautes » ou « absences «  de nos pères. C’est ta vie David, tu es toi et tu es différent, tes doutes, tes interrogations en sont la preuve la plus flagrante.  

Philippe

Lettre à Arthur et Philippe

À Rouen, le 04 mai 2011

Mes amis,

Aujourd’hui, le temps est au beau fixe sur la Normandie et mon moral, lui, navigue dans les brumes matinales, humides, épaisses, sombres et moroses. La situation a bien changé depuis nos derniers échanges.

Je ne sais plus très bien quel père je suis, je me suis perdu un peu dans cette histoire. Je n’ai pas vu ce qui se passait sous mes yeux, des scènes défilaient sans que je ne puisse interagir, pétrifié par je ne sais quelles peurs. Je m’étais pourtant promis d’être différent, de ne pas ressembler à ce père absent que fut le mien. J’ai toujours été là pour Elle, pour Lui, les observant, les soutenants, et mon attention s’est détournée un instant comme dans ce film, je ne me souviens plus de son titre, ni de ses acteurs, mais des yeux de ce père. Il était là sur le rebord de la piscine, son fils aussi non loin, un peu perdu dans une foule d’enfants criant, exultant leurs joies de se rafraîchir. Il se retourne un moment perturbé par toutes ces femmes vêtues de simple bikini. Je me souviens alors de ce ralentit celui qui rend les minutes des heures, les présences des absences. Il se tourne sur lui même et cherche son enfant. L’effroi de ce père, d’avoir un instant détourné son regard, s’invite en moi avec toute cette culpabilité d’avoir failli à mon devoir de père.

Je ne sais plus quand je me suis détourné d’Elle, ou Elle de moi, mais là voilà qui va bientôt disparaître de mon champ de vision. Elle n’a que quinze ans et quittera la maison dans quelques mois pour un internat. Elle veut prendre du recul, s’extraire de cette histoire de merde que je lui ai imposée. Je la comprends, pas facile de vivre avec une mère manipulatrice aux sentiments ambigus qui partage maintenant sa vie avec une autre femme et un père aimant peut-être un peu trop parfois qui aime un autre homme. Cela n’était pas prémédité. Je lui avais dit que j’étais bi sexuel à ma future ex-femme, elle pas; elle ne le savait pas, elle ne voulait pas, elle ne devait pas se l’avouer, qu’en sais-je? Mais quand notre histoire s’est terminée dans cette anorexie, dans son corps amaigri et sans forme, je ne pouvais pas imaginer les douleurs que nous allions infligées à nos enfants. J’ai essayé de les protéger, j’ai essayé de les écouter, j’ai essayé de les défendre.

Je comprends qu’Elle puisse m’en vouloir. Mes choix ruinaient définitivement ses espérances de vivre qu’avec son père. Et puis, c’est une adolescente et vous savez de quoi il en retourne, car l’un et l’autre avez des enfants. Elle doit se construire sa propre identité sexuelle dans ce mauvais scénario avec pour repère, une mère et un père, homo. Cette décision est sans doute la meilleure solution, je sais qu’elle est même inévitable, bien que je n’y étais pas préparé, il faut maintenant que je l’accompagne dans cet élan à prendre son envol. Je ne m’y étais pas préparé, je croyais avoir du temps.

A cette douleur, Céline n’a pas attendu pour me donner le coup de grâce, il fut immédiat et terrifiant. Je ne peux vous en dire plus car il me faut d’abord prendre un peu de distance, laisser le temps à non venin de se refaire.

Il fait toujours beau derrière la fenêtre de mon bureau, j’ai bien envi de me rouler dans l’herbe comme un enfant.

Je vous embrasse et donner moi de vos nouvelles au plutôt.

Amicalement
David