Lettre de David à Arthur le 24 Mai 2011
24 mai 2011 Un commentaire
Argy, le 24 mai
Mon ami,
La terre manque d’eau. La terre est sèche. La terre est craquelée, et souffre d’absence. Tu es loin aujourd’hui. Tu t’es transporté vers un autre horizon. Tes pieds foulent un sol inconnu, sans nom. Comme je t’envie. M’arracher de ce quotidien m’est impossible dans cet instant. J’assume mes choix.
Le jeune homme commence à vieillir, je le sens. Il perd, un peu plus chaque jour, ses illusions. Il aimerait pourtant rêver encore. Il aimerait toucher du doigt son destin. Il s’est déjà pris les pieds dans son empressement, mainte fois. Il se relève aussi. Je le sais. Ce jeune homme vieillit au rythme de ses chutes.
Aujourd’hui, il est debout, il fait face. Son regard est franc. Il a décidé de faire un voyage, une odyssée sur place. Sa route va être longue cette fois, pas moyen de s’en échapper. Je le sais. Il le fait pour rompre ce cercle, celui qui l’étouffe, qui l’oppresse. Alors il s’est entouré d’un homme d’expérience habituer à ces excursions. Il a amené avec lui ses fantômes, sa famille et ses cauchemars aussi. Il veut s’en affranchir. Ça va être long. Je le sais.
Tous les jeudis, c’est la même chose. Il quitte le travail un peu plutôt le Midi. Il ne mange pas. Il mangera après. Sa tête est vide. Il conduit automatiquement. Il traverse la ville lentement. Ses pensées ne vagabondent pas, elles baraudent de bord en bord. Il cherche par quoi commencer. Le début, il doit trouver le début d’une phrase. Il est dans l’incertitude, aucun mot ne lui vient. Les allées et les rues défilent dans un travelling trop rapide. On ne voit pas les gens déambuler, ni les arbres. Il se gare dans cette rue au nom étrange. Cela participe à cette intemporalité, à ces pays qui le peuplent. Il sort. Il a très envie d’une cigarette. Parfois il en a, parfois pas. Il y a un tabac juste à deux pas. Ça lui arrive d’y faire un saut. Alors il grille une tige, un clou de cercueil, le sien. Le portail est blanc en fer forger. Sur la droite, un rosier rose. Il déborde de fleurs. Sa hauteur est impressionnante. Le jeune homme a même l’impression qu’il est plus grand que lui. Le rosier cache une fenêtre. Et puis en face il y a la porte. Il frappe. L’homme d’expérience ouvre. Certaines fois, il doit attendre ça dépend de l’homme d’expérience. Il observe alors. Les rideaux sont neufs. Ils viennent d’IKEA. Il y a encore l’étiquette et le prix 9€95. Il aurait pu en acheter seize depuis le début. Quand il rentre, il lui serre la main. Enfin, il ne sait plus trop, peut-être qu’il va s’assoir sans faux-fuyant. Et puis une fois assis, il fait face à cet homme. Crois-moi , cher Ami, qu’il n’y a personne d’autre qui interfère. Il est seul à en pleurer. C’est ce qui lui arrive par moments. Toutes cette souffrance, cette absence qu’il est craquelé qu’il est sec. Il manque d’eau et ses larmes ne coulent plus.
Bien à toi, mon cher Arthur
David