Bon alors là….

F…e,

Ton prénom résonne à chaque fois que je l’entrevois caché par Arthur. Il est vrai que notre correspondance est toujours source de plaisirs entremêlés, d’émotions complexes qui s’échouent sur un écran. Les mots s’entrechoquent, et interpellent. J’aimerai y répondre de suite comme on le fait par sms ou par messagerie instantanée. Et puis non, j’aime prendre le temps avec toi. Pesez mes mots, pansez les tiens, les miens, contempler nos faiblesses et les rapprocher un instant dans une imagerie « camaradesque ».

L’étrangeté d’une relation presque mental comme si tu n’existais pas tout à fait, une sorte de double, un moi qui n’en finirait plus de croquer la vie par un autre coté, par un angle différent qui illumine mes moments de vie sombres. Oui il y a eu la rencontre. Elle est là gravée comme un souvenir irréelle, un temps d’enfance, d’une grande intimité respectueuse à travers nos regards, nos gestes, tes mains.

Ca fait plus d’un an que je traine mes guêtres chez un Psychanalyste. Il n’est pas psychiatre, et donc je ne suis pas remboursé par la sécurité sociale. Ca fait mal mais ça fait du bien. En pur freudien, il a une écoute sans pareil et sait diriger mon travail vers les endroits ou je n’osais m’aventurer. Une impression d’effectuer un vol en parachute, parfois c’est cette image qui me vient. Je fais le grand saut et vois défiler ma vie a grande vitesse et sans cohérence apparente. Et pourtant il y en a une, elle n’est pas évidente, et il est là, rassurant, déstabilisant, interrogatif, vif, qui dirige cette haute voltige!

Et puis tu penses aussi enfin aller voir un psy. Bon alors là… hisses la voile blanche quand tu auras tuer ton minotaure et la mer Egée tu traverseras à nouveau le coeur léger.

Bien à toi

David

A mes enfants

Vous voyez la terre tourne, le vent souffle, il fait froid et je ne verrais pas le soleil se lever aujourd’hui. Je vous ai quitté cette nuit. Je connais votre chagrin après l’avoir tant éprouvé dans ma vie. J’ai vu partir ma mère, mon père, mon mari, mes amis.

Olga, tu vois nous sommes mortes.

Je suis parti depuis quelques instant et mes douleurs sont déjà du passé. Mon corps souffrant n’est plus. Je vous libère mes deux anges de vos contraintes. Vous m’avez tant apporté ces quatre dernières années. Je vous en ai tellement demandé, je ai pu apprécier les torts de cette dépendance.

Vous êtes libre de moi. Profitez en. J’aurais tant aimé être là encore un peu, pour vous voir, heureux, marié, ou pacsé. J’avais même pensé m’acheter un nouveau chapeau pour cette cérémonie. Il faudra oublié cela aussi. Le vide de ma présence s’installe en vous, je le sens.

Sheba

Votre grand-mère

Monsieur de Tréville

Monsieur de Trèville 

Il est bien loin le temps ou l’on se promenait côte à côte dans ce pauvre Paris. Les cadenas sont toujours à leur place et nous aussi. Aujourd’hui c’est à vous que je voulais écrire afin de vous donner quelques nouvelles familiales. J’ai reçu hier une missive de mon avocate m’annonçant la fin des hostilités. Céline a été débouté de long en large et elle l’a de travers!

Anna est maintenue dans sa résidence

Eric aussi en alternance

La pension de reversion pour l’entretien d’Anna a sensiblement augmenté.

Le partage des frais pour Eric passe de 50/50 à 60% pour elle et 40% pour moi

J’obtiens les allocations familiales et les prestations sociales

Et l’acte notarié a été débouté, nous renvoyant ainsi devant le notaire.

Voilà, j’ai tenu jusqu’au bout. Peut-être est-ce pour cela que mon silence fut aussi long. Il me fallait me concentré et ne plus douter de mon bon droit.

Anna est ravie de cette décision. Elle fut cependant surprise et peinée d’apprendre que sa mère avait redemandé sa résidence alors qu’elle lui avait certifié le contraire un mois plutôt. C’est une trahison de plus à son actif…

Elle a changé. Elle est devenue une jeune fille que les jeunes hommes impétueux et grossiers sifflent lorsqu’ils la croisent. Intelligente et drôle, elle a aussi son caractère pour le moins détrempé. Les coups de gueule et les coups bas sont parfois de mise. Sa chambre est un vrai taudis, une tanière, ou plutôt un cocon qui verra éclore une belle et délicieuse femme.

Eric lui suit son bonhomme de chemin encore enfant encore très proche de sa mère.

Je vous souhaite de vous porter bien durant cette période si détestable de l’hiver.

Amicalement

David

Qui suis-je?

Mes amis

J’ai disparu quelques temps. Les choses de la vie restent compliquées mais j’ai l’impression que je vais un peu mieux. Je ne vais plus lire les blogs, ni mon courrier car la mutation prend forme. Cet espace est le seul qui s’offre à moi pour vous lire, et c’est le seul plaisir que je m’octroie.

Ne vous inquiétez pas pour moi,  j’écris toujours mais plus sur la toile. Un jour peut-être y reviendrais-je?

Je pense à vous et viendrais vous faire signe de temps à autre

David

Lettre de David à Arthur le 24 Mai 2011

Argy, le 24 mai

Mon ami,

La terre manque d’eau. La terre est sèche. La terre est craquelée, et souffre d’absence. Tu es loin aujourd’hui. Tu t’es transporté vers un autre horizon. Tes pieds foulent un sol inconnu, sans nom.  Comme je t’envie. M’arracher de ce quotidien m’est impossible dans cet instant. J’assume mes choix.

Le jeune homme commence à vieillir, je le sens. Il perd, un peu plus chaque jour, ses illusions. Il aimerait pourtant rêver encore. Il aimerait toucher du doigt son destin. Il s’est déjà pris les pieds dans son empressement, mainte fois. Il se relève aussi. Je le sais. Ce jeune homme vieillit au rythme de ses chutes.

Aujourd’hui, il est debout, il fait face. Son regard est franc. Il a décidé de faire un voyage, une odyssée sur place. Sa route va être longue cette fois, pas moyen de s’en échapper. Je le sais. Il le fait pour rompre ce cercle, celui qui l’étouffe, qui l’oppresse. Alors il s’est entouré d’un homme d’expérience habituer à ces excursions. Il a amené avec lui ses fantômes, sa famille et ses cauchemars aussi. Il veut s’en affranchir. Ça va être long. Je le sais.

Tous les jeudis, c’est la même chose. Il quitte le travail un peu plutôt le Midi. Il ne mange pas. Il mangera après. Sa tête est vide. Il conduit automatiquement. Il traverse la ville lentement. Ses pensées ne vagabondent pas, elles baraudent de bord en bord. Il cherche par quoi commencer. Le début, il doit trouver le début d’une phrase. Il est dans l’incertitude, aucun mot ne lui vient. Les allées et les rues défilent dans un travelling trop rapide. On ne voit pas les gens déambuler, ni les arbres. Il se gare dans cette rue au nom étrange. Cela participe à cette intemporalité, à ces pays qui le peuplent. Il sort. Il a très envie d’une cigarette. Parfois il en a, parfois pas. Il y a un tabac juste à deux pas. Ça lui arrive d’y faire un saut. Alors il grille une tige, un clou de cercueil, le sien. Le portail est blanc en fer forger. Sur la droite, un rosier rose. Il déborde de fleurs. Sa hauteur est impressionnante. Le jeune homme a même l’impression qu’il est plus grand que lui. Le rosier cache une fenêtre. Et puis en face il y a la porte. Il frappe. L’homme d’expérience ouvre. Certaines fois, il doit attendre ça dépend de l’homme d’expérience. Il observe alors. Les rideaux sont neufs. Ils viennent d’IKEA. Il y a encore l’étiquette et le prix 9€95. Il aurait pu en acheter seize depuis le début. Quand il rentre, il lui serre la main. Enfin, il ne sait plus trop, peut-être qu’il va s’assoir sans faux-fuyant. Et puis une fois assis, il fait face à cet homme. Crois-moi , cher Ami, qu’il n’y a personne d’autre qui interfère. Il est seul à en pleurer. C’est ce qui lui arrive par moments. Toutes cette souffrance, cette absence qu’il est craquelé qu’il est sec. Il manque d’eau et ses larmes ne coulent plus.

Bien à toi, mon cher Arthur

David

A Ana

Rouen le 11 Mai 2011

Ma puce,

Tu as encore laissé la porte des toilettes ouverte, ta table de ton petit déjeuné non débarrassée, ton linge salle en tas dans la salle de bain et des traces de fond de teint partout dans le lavabo. C’est vrai que cela m’agace que j’aie autre chose à faire dans ma vie que de passer derrière toi pour tout ranger, mais aujourd’hui bizarrement je prends du plaisir à le faire. Tes sautes d’humeur aussi ne m’exaspèrent plus, ils m’attendrissent même, car bientôt, dans quelques mois, dans quelques jours, tout ceci aura disparu définitivement. Tu as décidé de quitter le foyer familial pour t’enfermer dans un internat. L’appartement sera bien vide sans toi. Tu vas me manquer.

Je t’aime

Ton Papa

A Mémé Poulard (qui fait des superbes sablés)

Rouen, le 6 Mai 2011

Chère Mémé,

En effet, je peux t’appeler ainsi? Car maintenant que tu as 123 ans, la familiarité n’est plus une injure, mais une marque d’affection? Il est vrai que je ne t’ai jamais beaucoup écris, Mémé, j’ai un peu honte, mais je gardais ma prose pour Manie Nova et ses petits suisses. Elle m’en a donné des soucis avec ses petits pots en plastique que je n’arrivais jamais à démouler complètement. Mais revenons à nos moutons! Durant c’est 123 ans, tu as mis tout ton coeur pour réjouir nos papilles, aussi bien dans ton restaurant dans lequel je m’arrête à chaque fois quand je me rends au Mont Saint Michel, que dans tes merveilleux biscuits que tu fabriques dans le fin fond de notre belle vieille Normandie avec tes vieilles amies.

Je ne manque jamais d’en acheter une boite ou deux par semaines dans mon supermarché car tu as eu la bonne idée d’ouvrir ton savoir faire à la mondialisation. Aussi quand je passe devant les étales interdits, je te vois sérieuse et avenante m’encourageant à l’extrême tentation de dévorer tes sablés dans l’instant. Je ne le fais pas, bien sur et pour deux raisons. La première est relativement simple: l’interdiction!. En effet, il est interdit de manger des biscuits pas encore acheté. C’est comme un vol qu’elle m’a dis ma grand-mère (elle est plus jeune que toi puisqu’elle n’a que 88 ans mais elle a autant de bon sens que toi!) On a une grande complicité elle et moi! Elle me refile toute ses bonnes recettes de quand elle était petite! La seconde? Le retour d’expérience! Alors que je me trouvais avec elle dans un « Carrefour Market », elle eu une envie subite de dévorer un de tes gâteaux… Ca lui arrive pas souvent, mais j’ai appris à abdiquer rapidement à ses caprices. Elle même adepte du « sablé poulardien », je me propose discrètement d’ouvrir un de tes paquets. Les deux sachets fraicheurs contenaient les biscuits mais au moment ou je m’apprêtais à lui en donner un, une pluie de miettes s’abattit sur le sol, déclenchant un fou rire de l’insistance… Inutile de te dire, Mémé, que le vigile de cette établissement honorable, ne fut pas très heureux.

Et puis j’ai remarqué qu’en effet tes biscuits ne devaient pas supporter le déplacement car très souvent je me retrouve avec ce genre de problème. Alors qu’un jour, je découvris ta superbe boite net métal à 9€50, je me suis dis qu’enfin tu avais eu une grande idée! Plus de miettes en perspective! Vive les sablés entiers! Je me précipite dessus et rentre avec empressement à la maison pour les déguster. Et là, Mémé, je fus désagréablement surpris! Pas un seul de tes étuis de fraicheur, ne comprenaient un gâteau dans sa forme originale! Une véritable « mietterie » à se demander si par mégarde tu ne te saurais pas assise dessus pour récupérer un peu de ton hyper-activité! Voilà, donc, pourquoi Mémé, je t’écris ma déception et j’espère que tu auras la bonne idée de me répondre afin de réparer tes méfaits. Je t’embrasse très fort et te souhaite encore de bonnes années devant toi!

Ton petit poulardien dévoué
David

A Marie

À Rouen, le 05 Mai

Ma p’tite soeur,

Quelle chance avons-nous! Le temps reste au beau fixe et la chaleur du sud caresse notre peau habituée à la froideur des journées normandes, douce sensation, apaisante même!

Voilà, c’est fait aujourd’hui, il n’y a plus de retour possible. Comme je te l’avais confié, il y a deux semaines lors de mon court passage chez toi, je souhaitais entreprendre une analyse et voilà, c’est fait, je viens juste de sortir de mon premier rendez-vous. En pur freudien qu’il est,  il a éludé certaines questions embarrassantes et en non-juif qu’il est, il a quand même répondu à mes questions par d’autres questions… cela commence bien, me semble t-il.

C’est un sentiment d’étrangeté pourtant qui subsiste après ces trois quarts d’heure passés en tête à tête. Je suis partagé par cette démarche. Je sens que cela est nécessaire et j’ai quand même peur d’y découvrir des fantômes incontrôlables… Nous avions parlé de cela, à notre dernière rencontre, aussi je me dois de me ranger à ton avis: c’est essentiel!

L’inconnu fait peur, c’est une évidence, l’inconnu excite, c’est une autre réalité. Je ne pouvais pas dire que je n’en menais pas large, il y a deux heures; j’avais une anxiété naturelle, mais totalement contrôlable. Je suis entré dans cette maison de plain-pied, je me suis assis sur le Voltaire.

– Alors, qu’est-ce qui vous amène ici? Qu’est-ce qui vous amène à venir consulter un analyste?

Sa voix était posée. J’ai répondu sans précipitation, calmement. Il prenait des notes, mais bizarrement cela ne me dérangeait pas. Je laissais venir les questions sans chercher à meubler. J’écoutais les silences sans qu’ils ne soient pesants. Je me sentais tranquille. Je pense que c’est le bon. J’en suis intimement convaincu.

Tout ce qui se passera dans son cabinet restera entre lui et moi, mais peut-être aurais-je besoin de toi et de Sophie pour me rafraîchir certaines scènes de mon enfance…

Je t’embrasse fort et passe des énormes bisous à ma nièce et mes neuves.

Ton frangin préféré!
David

Lettre à Arthur et Philippe

À Rouen, le 04 mai 2011

Mes amis,

Aujourd’hui, le temps est au beau fixe sur la Normandie et mon moral, lui, navigue dans les brumes matinales, humides, épaisses, sombres et moroses. La situation a bien changé depuis nos derniers échanges.

Je ne sais plus très bien quel père je suis, je me suis perdu un peu dans cette histoire. Je n’ai pas vu ce qui se passait sous mes yeux, des scènes défilaient sans que je ne puisse interagir, pétrifié par je ne sais quelles peurs. Je m’étais pourtant promis d’être différent, de ne pas ressembler à ce père absent que fut le mien. J’ai toujours été là pour Elle, pour Lui, les observant, les soutenants, et mon attention s’est détournée un instant comme dans ce film, je ne me souviens plus de son titre, ni de ses acteurs, mais des yeux de ce père. Il était là sur le rebord de la piscine, son fils aussi non loin, un peu perdu dans une foule d’enfants criant, exultant leurs joies de se rafraîchir. Il se retourne un moment perturbé par toutes ces femmes vêtues de simple bikini. Je me souviens alors de ce ralentit celui qui rend les minutes des heures, les présences des absences. Il se tourne sur lui même et cherche son enfant. L’effroi de ce père, d’avoir un instant détourné son regard, s’invite en moi avec toute cette culpabilité d’avoir failli à mon devoir de père.

Je ne sais plus quand je me suis détourné d’Elle, ou Elle de moi, mais là voilà qui va bientôt disparaître de mon champ de vision. Elle n’a que quinze ans et quittera la maison dans quelques mois pour un internat. Elle veut prendre du recul, s’extraire de cette histoire de merde que je lui ai imposée. Je la comprends, pas facile de vivre avec une mère manipulatrice aux sentiments ambigus qui partage maintenant sa vie avec une autre femme et un père aimant peut-être un peu trop parfois qui aime un autre homme. Cela n’était pas prémédité. Je lui avais dit que j’étais bi sexuel à ma future ex-femme, elle pas; elle ne le savait pas, elle ne voulait pas, elle ne devait pas se l’avouer, qu’en sais-je? Mais quand notre histoire s’est terminée dans cette anorexie, dans son corps amaigri et sans forme, je ne pouvais pas imaginer les douleurs que nous allions infligées à nos enfants. J’ai essayé de les protéger, j’ai essayé de les écouter, j’ai essayé de les défendre.

Je comprends qu’Elle puisse m’en vouloir. Mes choix ruinaient définitivement ses espérances de vivre qu’avec son père. Et puis, c’est une adolescente et vous savez de quoi il en retourne, car l’un et l’autre avez des enfants. Elle doit se construire sa propre identité sexuelle dans ce mauvais scénario avec pour repère, une mère et un père, homo. Cette décision est sans doute la meilleure solution, je sais qu’elle est même inévitable, bien que je n’y étais pas préparé, il faut maintenant que je l’accompagne dans cet élan à prendre son envol. Je ne m’y étais pas préparé, je croyais avoir du temps.

A cette douleur, Céline n’a pas attendu pour me donner le coup de grâce, il fut immédiat et terrifiant. Je ne peux vous en dire plus car il me faut d’abord prendre un peu de distance, laisser le temps à non venin de se refaire.

Il fait toujours beau derrière la fenêtre de mon bureau, j’ai bien envi de me rouler dans l’herbe comme un enfant.

Je vous embrasse et donner moi de vos nouvelles au plutôt.

Amicalement
David